0
Brèves de voyage

Le déni, l’outil indispensable pour survivre un deuil

25 septembre 2019

Cette nuit, mon père était encore malade, mais il commençait à aller mieux. Les yeux semi-ouverts, il me serrait la main. Je lui parlais, l’encourageais à se battre, à reprendre des forces. Mon mariage approchant, je lui disais que j’avais besoin qu’il soit là avec moi. A un moment donné, il arrive à se lever pour se traîner dans une chaise roulante. Victoire! Il commence à remettre petit à petit. C’est cet espoir qui nous avait effleuré.e.s il y a quatre mois, avant de comprendre qu’il ne s’en remettrait jamais.

Ce n’est pas la première fois que je rêve que mon père est encore vivant. A chaque fois, j’essaie de dire à mon cerveau que ce n’est pas possible, que je l’ai littéralement vu partir. Mon cerveau n’en a que faire, il me montre mon père toujours malade, revenu d’entre les morts. Il me donne la chance de le revoir, alors que je ne l’ai pas vu depuis quatre mois.

Le déni m’a sauvé la mise dès le lendemain de la mort de mon père. Alors que je me réveille ce dimanche 26 mai, mon cerveau essaie de m’envoyer cette nouvelle information qui bouleverse ma vie, mais je ne peux pas l’entendre. Si je laisse cette information s’installer et devenir réelle, alors il y a peu de chance pour que je me lève de mon lit pendant plusieurs semaines. Le 26 mai donc, mon père n’est pas mort, il est encore là, parti faire des courses. J’utilise cette méthode pendant une bonne semaine.

Plus les jours passent, et plus le déni s’installe. Je sais pertinemment que mon père est parti pour toujours, mais au fond de moi, je n’y crois pas. Les seuls moments où je vis « bien » mon deuil, c’est quand j’oublie que je ne reverrai plus jamais papa. Les moments où je pleure le plus fort, c’est quand je me rappelle que mon père ne reviendra jamais à la maison. Et ça arrive à n’importe quel moment.

Assise sur une plage avec mon mari et deux amis, nous profitons du soleil et de l’océan pour passer un bon moment. Alors que je lis le journal local, j’apprends le décès d’un homme politique de la région. Il a traîné un cancer pendant 4 ans avant de partir. Sans me prévenir, des larmes montent aux yeux. Je commence à m’éloigner du groupe pour marcher seule et pleurer toutes les larmes de mon corps. Le déni est levé pendant quelques minutes et j’ai l’impression de découvrir pour la première fois que mon père est parti. Pourtant, cela faisait plus de trois mois.

Quand on parle de déni, on a souvent l’impression que c’est une mauvaise chose. Que d’être dans le déni, ce n’est pas vouloir regarder la vérité en face, c’est de fuir. Dans le cas d’un deuil, c’est un outil de survie. C’est ce qui nous permet de vivre des journées presque normales. C’est ce qui nous permet de nous lever le matin.

Le jour où j’ai enterré mon pèreNotre dernier voyage ensembleLes aidants, des putains de héros Le bel hommage de notre journal local pour mon père à lire ici.

1 Comment

  • Reply C'est le destin, disait-il 25 mai 2020 at 14 h 33 min

    […] défunt et l’endeuillée, une lettre d’amour⎮ Le temps, le pire ami du deuil ⎮ Le déni, l’outil indispensable pour survivre un deuil ⎮ Le jour où j’ai enterré mon père ⎮ Notre dernier voyage […]

  • Laisser un commentaire

    %d blogueurs aiment cette page :