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Brèves de voyage

Le défunt et l’endeuillée, une lettre d’amour

26 novembre 2019

Mon papa,

La première fois que l’on s’est parlé, toi en tant que défunt et moi en tant qu’endeuillée, c’était juste après ton dernier souffle. Alors que je regardais ton corps inerte, je sentis ta main sur mon épaule droite, comme une chaleur paternelle sur ce dos lourd. J’aurais pu le jurer. J’ai aussi senti le poids de ton âme s’assoir juste à côté de moi, sur le lit d’appoint que l’hôpital avait prêté à maman, pour ses nuits avec toi. Alors que tu m’observais, et que toi aussi tu regardais ce corps qui t’avait fait tant souffrir, tu me donnais ton souhait le plus cher. « Nastasia, prend soin de maman ».

Ce n’était que le début de nos échanges d’un autre monde. Je ne sais pas comment tu as vécu la mort de ton père, alors que tu n’avais que 19 ans. A vrai dire, nous n’en avons jamais parlé. Maintenant, j’ai plein de questions qui restent sans réponse, car tu ne veux toujours rien dire. Est-ce que toi aussi tu avais des petites conversations avec lui?

Cela peut paraître bizarre, de se faire des films dans la tête, d’imaginer des scènes où je prédis comment tu aurais réagi. Mais c’est la seule manière que j’ai de te voir, d’entendre ta voix, d’apprécier ta présence. Souvent, tu es avec mamie, qui me manque aussi terriblement. Vous êtes devenu.e.s mes anges gardiens, qui veillent sur moi. D’ailleurs, j’ai bien remarqué que vous étiez là à chaque fois que je commence à verser des larmes en pensant à vous. Je sais ô combien vous n’aimez pas me voir souffrir.

Aujourd’hui, maman est arrivée à Washington pour la première fois. Je t’ai bien vu faire le voyage avec elle, te moquant du fait qu’elle soit arrivée 3 heures avant l’embarquement, ou qu’elle se soit stressée pendant un mois avant de venir. A l’arrivée à notre appartement, tu aurais déjà trouvé milles choses à réparer. Mais avant ça, on t’aurait emmener dans notre bar à bière préféré, et tu aurais adoré. Je te vois avec tes yeux brillants, le sourire sur le visage, et une pinte à la main.

Nous serions rentrés après quelques verres, et déjà une belle soirée de faite. Tu n’aurais pas tarder à ronfler à côté de maman qui porterait des boules-quies pour préserver son audition.

Moi, je me serais endormie sereinement, avec pour la première fois, mes parents sous mon toit.

Je t’aime fort papa,

A très bientôt.

Ta fille.

Le temps, le pire ami du deuil Le déni, l’outil indispensable pour survivre un deuil ⎮ Le jour où j’ai enterré mon père ⎮ Notre dernier voyage ensemble ⎮ Les aidants, des putains de héros ⎮ Le bel hommage de notre journal local pour mon père à lire ici.

1 Comment

  • Reply C'est le destin, disait-il 25 mai 2020 at 14 h 30 min

    […] Le défunt et l’endeuillée, une lettre d’amour⎮ Le temps, le pire ami du deuil ⎮ Le déni, l’outil indispensable pour survivre un deuil ⎮ Le jour où j’ai enterré mon père ⎮ Notre dernier voyage ensemble ⎮ Les aidants, des putains de héros ⎮ Le bel hommage de notre journal local pour mon père à lire ici. […]

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