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Brèves de voyage

C’est le destin, disait-il

25 mai 2020

Mon père était un fervent croyant du destin. A ma mère, mon frère ou moi, il parlait souvent de ce qui était écrit d’avance. Depuis toujours, j’étais en désaccord avec lui. Je n’y crois pas, je crois seulement en la destinée que l’on se crée. Pour mon père, sa maladie était écrite. C’était le destin, qu’il tombe malade. C’était le destin, que sa maladie se généralise rapidement. C’était le destin, qu’il sente la mort se rapprocher.

J’aimerais avoir cette discussion avec lui maintenant. Si sa mort était ainsi écrite, alors toute responsabilité serait levée et nos coeurs plus légers. Le « si » qui marchande ne serait plus. Et « si » je l’avais encouragé à aller voir un docteur plus tôt n’existerait plus. Et « si » j’avais été là plus souvent n’aurait jamais été pensé. Toutes ces hypothèses qui nous torturent l’esprit s’évaporent grâce au destin.

Il y a peu de temps, je me suis souvenue d’une phrase qu’il m’avait lancée pendant mon adolescente. Un après-midi, alors qu’il était revenu d’une fête de notre village bien arrosé, il m’avait appelé à m’assoir près de lui, sur les escaliers de notre maison. Il m’avait alors fait promettre quelque chose de particulier, et plutôt morbide. Il m’avait demandé de venir le voir sur sa tombe quand je serai enceinte. Quand on a 12 ou 13 ans, on se dit que nos parents sont vieux, et qu’ainsi, si un jour je suis enceinte, il serait très probable qu’ils seraient mort. A l’époque, ça ne me paraissait donc pas bizarre et tout à fait plausible. En réalité, quand mon père m’a dit cela, il avait à peine 40 ans. Pourtant, il pensait que si un jour j’étais enceinte, il ne serait pas là pour le voir.

Et il aura raison. Car le jour où je serai enceinte, c’est à sa tombe que je le dirai. Au fond de lui, il se voyait mourir avant même de voir ses petits-enfants. Avant même d’être papy Didier. Il avait lu ce qui était écrit. Un an après sa mort, il m’aurait répondu, « c’est le destin ».

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